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The marvelous Mrs Susie

Pensées sarcastiques sur le monde qui m'entoure

Relic : plongée dans la maladie neurologique de la personne âgée

Relic : plongée dans la maladie neurologique de la personne âgée

Attention spoilers !

Alors en faisant des recherches sur le film, je me suis aperçue que le terme "épouvante" et "horreur" revenaient quasi systématiquement. Moi même je n'en menais pas large au visionnage de certains passages du film, plongée dans le noir, j'ai franchement été effrayée. Mais la réalité de certains événements de vie doivent-ils nécessairement être taxés de films d'épouvante ou d'horreur ? Non, car même si la réalisatrice Natalie Erika James joue parfaitement avec les codes typiques des films de maison hantée et de possession, tout comme ses illustres prédécesseurs "Les innocents" ou "La maison du diable" (le film de Robert Wise) Relic n'en reste pas moins une métaphore assez limpide sur un sujet très peu exploité au cinéma : la maladie neurologique et les comportements pathologiques chez la personne âgée. Relic n'est pas un film d'horreur, il va plutôt vous dévoiler comment de l'intérieur la désorientation prend possession d'une personne, et comment tout son entourage va se retrouver pris au "piège" de certains aspects du vieillissement.

Alors attention, fort heureusement la plupart des vieillesses se déroulent bien et la plupart des personnes ayant une maladie neurologique type Alzheimer ou même fronto-temporale, n'auront que peu de troubles du comportement voire aucun ou peu gênants. Ca n'est pas inéluctable et la plupart du temps ces troubles là sont provoqués par l'inadaptation de nos comportements à nous, nous les soi-disants "sains" qui démunis continueront à faire comme si de rien n'était et n'accepteront pas les changements opérés en "face". Combien de fois j'ai vu des personnes désorientées s'énerver face à des proches ou des soignants pensant bien faire, les assourdissant de questions et de consignes auxquelles elles ne pouvaient pas répondre. Etes-vous déjà allé dans un pays étranger sans en comprendre la langue ? C'est il me semble un bon début pour commencer à appréhender les maladies neurologiques et leur cortège de troubles dits cognitifs. Et vous noterez que je n'utiliserai jamais le mot "démence", terme épouvantable stigmatisant ces personnes, que l'on imagine sans raison aucune en train de nous attaquer à la hache. 

Bref, revenons-en à nos vieux et à comment parfois cela dégénère.

Edna est portée disparue, elle a 80 ans et des poussières et elle vivait seule dans sa maison, seulement un jour ses voisins ne l'ont plus vue. Sa fille Kay et sa petite fille Sam vont alors se rendre dans la demeure familiale pour tenter de la retrouver et envisager l'avenir... partant de ce synopsis tout simple, on se retrouve très vite immergé dans une ambiance sombre, malsaine, hivernale ; ambiance très majoritairement instaurée par la maison, corrompue par endroits et laissant très peu passer la lumière. Une maison avec une âme pourrait-on dire, mais pas forcément une bienveillante (soi-dit en passant quand je vois cette série loupée qu'est The haunting of Bly manor, je me dis que le réal ferait bien de s'inspirer de Relic pour personnifier sa bicoque sans aucune personnalité). Très vite aussi (le film est assez court et ne s'étire pas) on se rend compte qu'Edna a des troubles cognitifs (mémoire, désorientation, incohérence des propos, raisonnement affecté...) que sa fille banalise montrant ainsi un certain déni. On devine assez aisément qu'entre Edna et sa fille ça n'est pas l'amour fou, notamment quand cette dernière regarde son album de famille et se sent mal à l'aise à la vision d'une des photos : la maison en bois autrefois érigée sur le même terrain, dont ne subsiste qu'une fenêtre en vitrail placée sur la porte d'entrée de la demeure actuelle...

Ce qui est énorme dans ce film je le redis encore, c'est de voir à quel point la maison est un membre total de la famille, et qu'à travers son architecture, Natalie Erika James va de façon terrifiante se servir de cette métaphore pour en faire un cerveau malade géant : la scène où la petite fille se perd dans celle-ci et découvre des pièces inconnues entièrement moisies, est une façon brillante de montrer les altérations neurologiques qui provoquent ces troubles cognitifs et comportementaux (je défie quiconque de se repérer dans cet environnement là). Edna aura d'ailleurs cadenassé certaines parties de ce cerveau avant de s'y perdre elle-même des jours entiers, en sortant comme si de rien n'était, illustrant par là même cette anosognosie si fréquemment rencontrée dans l'Alzheimer notamment, où la personne est dans l'incapacité totale de décrire et de prendre conscience de ce qu'elle vit. Pour s'en sortir il faudra faire effraction mais quelle que soit la méthode utilisée (déni, anosognosie ou confrontation) la maladie vous retrouvera.

Le film illustre d'une belle façon également les rapports familiaux se délitant au fur et à mesure que la désorientation grandit et que les troubles du comportement apparaissent : "ça n'est plus elle" dira Kay face à une mère en colère, effrayée et effrayante, qui ne se reconnaissant plus elle-même, va se mettre à attaquer des personnes qu'elle croit assaillantes. La maladie fera irruption dans un quotidien pas forcément joyeux à la base, tout va se mélanger, tous les repères se tordent et se confondent jusqu'à un final violent, maltraitant, où il faudra abattre cet être qui nous pousse malgré nous, à sortir de notre réalité "confortable" où souvent les rôles s'inversent pour le malheur de tous... Composer avec ce vieux, cette vieille, qui autrefois aura "changé nos couches" et dont nous devons nous occuper maintenant... Fort heureusement le film se termine sur une scène magnifique, alliant les 3 générations de femmes (et oui la vieillesse est majoritairement une affaire de femmes, rares sont les hommes prenant soin de l'aîné.e "malade" ou fragilisé) dans une note apaisée, tendre et inéluctable également, tendant vers l'avenir où il faudra se rendre à l'évidence et s'adapter.

"I'm loved", n'est-ce pas là l'essentiel ?

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