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The marvelous Mrs Susie

Pensées sarcastiques sur le monde qui m'entoure

L'exorciste et le déni du traumatisme

Les ami.e.s comme je vous l'ai dit souvent, je mate des films d'exorcisme régulièrement et dernièrement j'ai beaucoup pensé à « L'exorciste », en l'interprétant à ma sauce sur mon chemin de vie, et je crois avoir enfin compris la portée de ce film sur ma vie et mon psychisme.

Je l'ai maté j'avais 9 ou 10 ans. Je ne l'ai pas choisi, tout comme je n'ai pas choisi ma famille, à 9 ou 10 ans tu ne dis pas non, tu subis, tu trouves que c'est cool ou tu veux montrer que t'es cool, et tu regardes ce qu'on t'impose, point barre. J'avais dit non quand même pour Massacre à la tronçonneuse, je ne l'avais pas « vu » mais j'avais du « l'écouter » sur le canapé, en famille un dimanche, ce qui a été 1000 fois pire comme expérience. Vous qui avez des gosses, vous avez dû vous demander si vous n'êtes pas pervers, à partir de quel moment vous pouviez montrer tel ou tel film à votre progéniture, maintenant je vous le dis direct si vous matez en famille L'exorciste avec votre petite fille ou votre petit garçon, un film où une gamine de 12 ans s'enfonce un crucifix dans le vagin et impose un cunnilingus sanglant à sa mère, soit vous avez un sérieux problème psy, soit vous êtes une putain de raclure, mais de toutes les façons vous avez sérieusement merdé là.

Passons le traumatisme que ce film a eu sur moi, qui a duré plus d'une trentaine d'années, les sueurs froides, l'angoisse le soir, les cauchemars, la lumière allumée la nuit, la peur d'être sauvagement attaquée... passons car mine de rien, aujourd'hui, je suis en paix avec Pazuzu (pour la petite histoire je voulais le confronter exprès dans deux musées différents, j'avais tout préparé, et les deux fois, le jour J la statuette avait été exposée ailleurs !), et je crois avoir enfin compris pourquoi il m'avait tant marquée (hormis la dimension horrible et fantastique du film bien évidemment, mais qui est purement métaphorique au final).

L'exorciste de quoi ça cause vraiment ? D'une pré adolescente, Regan, de 12 ans bien sage avec encore une petite voix fluette enfantine, dont le père est absent et négligent (qu'a-t-il fait d'ailleurs le peu qu'il a été là ? Nous n'en saurons jamais rien), dont la mère bosse comme une dératée sur les plateaux de cinéma, et qui se retrouve extrêmement seule dans une grande maison où elle finit par côtoyer un « ami imaginaire » le capitaine Howdy, avec qui elle communique avec un oui-ja. Progressivement la jeune fille devient triste, perd l'appétit, se replie, fait de l'hypersomnolence et de l'énurésie jusqu'à une explosion de symptômes spectaculaires où enfin ON LA VOIT et elle arrête d'être INVISIBLE aux yeux de tous. Ces symptômes de dépression signalant un profond mal être associés à des troubles du comportement psychotiques (désinhibition et hypersexualisation principalement, agressivité, violence) font réagir la mère qui l'envoie dans un hôpital où Regan va subir les pires tortures, scènes d'examens médicaux insoutenables à regarder, où la maltraitance médicale prend la tournure de viols répétitifs exercés par les blouses blanches et leurs instruments, allant et venant, faisant gicler le sang de la jeune fille.

Diagnostics multiples évoqués... hypothèse émergente des psychiatres : Regan penserait qu'elle est possédée et qu'un exorcisme pourrait fonctionner... oui mais personne ne se pose la vraie question (hormis un psychiatre qui évoque l'idée d'un conflit psychique), celle qui forcément mettrait à jour tous les dysfonctionnements familiaux, celle qui est tue et restera secrète même à la toute fin du film (la version originale du film pas l'espèce de truc bondieusard revisité par Friedkin) : comment une presque fillette de 12 ans en vient à sortir la nuit pour mettre des bites sur une statue de Vierge dans une Église, à attraper les parties génitales de son hypnotiseur, à se masturber avec un crucifix et à violemment frotter la tête de sa mère sur sa vulve en lui demandant de la lécher ? Comment ? Vous voyez où je veux en venir hein ? Bien sûr le Démon sert de métaphore, ce qui va arranger tout le monde au final... Autre question dérangeante : qu'est-ce que Burke Dennings, ce dégoûtant personnage alcoolique que Regan ne voit pas nécessairement d'un œil favorable dans sa relation à sa mère, viendra faire dans la chambre de cette jeune fille malade alors que tout le monde est absent ? Question gênante que posera d'ailleurs le lieutenant Kinderman lors de sa visite à la mère. Celle-ci répondra qu'il n'avait aucune raison de monter. Protégeant sa fille. Ou se protégeant elle-même...

La suite vous la connaissez, on confie Regan à un prêtre avec une casquette de psychiatre, Karras, personnage éminemment intéressant au douloureux regard, qui lui-même vit des conflits psychiques assez puissants, en pleine perte de Foi, entre le refoulement de son homosexualité et la culpabilité puissante qu'il ressent dans le décès de sa mère morte seule après un séjour dans un hospice glauque faute de moyens financiers (il a choisi d'être prêtre et pas un riche psychiatre). Cela donne lieu à des scènes qui crèvent le cœur avec cette vieille mère, qui m'ont beaucoup hantée aussi : « Dami mais pourquoi tu m'as fait ça ? ».

Oui pourquoi tu m'as fait ça hein ?

La scène de l'exorcisme, ultra connue, montre ces deux hommes vociférant sur une créature – une adolescente de 12 ans – en chemise de nuit, écartelée sur un lit, le cadre du film ne dépassant pas souvent la « chambre ». Magistrale mise en scène d'un déni collectif sur un plus que vraisemblable traumatisme sexuel qui ne cherche qu'à être exprimé et reconnu. L'un des deux prêtres, vous devinerez aisément lequel, ne parvient pas à rester « neutre » et dans son rôle, et ne cessera de déborder du cadre, en conflit avec lui même ; il ira jusqu'à frapper Regan, cherchant à la faire taire, cherchant à faire taire celle par qui ces symptômes spectaculaires et ultra violents n'aura eu de cesse d'essayer de se faire entendre, entendre et entendre. D'ailleurs Merrin, l'autre prêtre incarnant l'Autorité, Celui qui sait, Celui qui doit résoudre le Problème, n'aura de cesse de prévenir Karras que le démon est un menteur, il ne faut pas l'écouter, jamais l'écouter. N'écoutez pas la vérité. Au final tout le monde tout au long du film dissimulera, mentira, manipulera, se montrera sous un jour acceptable par la société, jusqu'à la scène finale de l'exorcisme où Merrin au sol vient de se faire terrasser par son ennemi ancestral ultime. Par quel moyen ? Par la parole du Démon resté seul avec lui ? Qu'est-ce qu'Il/elle a bien pu lui dire...

HELP ME.

La dérangeante. L’Élue, The chosen one. Mais voilà même « débarrassée » du démon qui se retirera dans un autre être traumatisé et implorant, Regan ne sera jamais entendue. Elle replongera dans une amnésie traumatique collective, à peine titillée par la vision du col romain sur « l'ami » de Karras. « Elle ne se rappelle de rien » dira la mère en plein déménagement visiblement très attachée à ce que tout ça soit oublié, y compris les lieux, « tant mieux » répondra-t-il.

Voilà qui arrangera bien tout le monde.

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